PROBLÈMES GÉNITAUX ET SEXUALITÉ
Dr Filippo Murina
Service de pathologie vulvaire – Hôpital V. Buzzi – université de Milan Directeur scientifique Associazione Italiana Vulvodinia
Les problèmes d’ordre sexuel sont fréquents chez les femmes qui ont été confrontées au cancer au cours de leur vie. Les troubles les plus courants sont la douleur et, plus généralement, une inflammation des organes génitaux externes causant sensation de brûlure, sécheresse, douleur lors des rapports sexuels, prurit, etc.
La nature de ces troubles est corrélée tant à la symptomatologie du cancer qu’à une série de facteurs liés au traitement de la maladie. L’évolution des traitements anticancéreux a sans aucun doute amélioré le pronostic, même si bon nombre d’entre eux – comme la chimiothérapie et la radiothérapie – s’accompagnent d’effets secondaires.
La qualité de vie doit être l’une des priorités de la prise en charge de la patiente, et les questions liées à la sexualité revêtent dans ce domaine une importance fondamentale.
Le fonctionnement normal et physiologique des organes sexuels doit toujours être pris en compte. Il est à ce titre important que la patiente pose au médecin toutes ses questions relatives aux problèmes et aspects génitaux et sexuels, y compris en matière de désir et d’atteinte de l’orgasme.
NOTIONS D’ANATOMIE
Les organes génitaux féminins se divisent en organes externes et internes. La partie externe, appelée « vulve », comprend les grandes lèvres, les petites lèvres et le clitoris. Elle se prolonge par les organes sexuels internes que sont le vagin, l’utérus, les trompes et les ovaires. La portion de tissu située entre la vulve et le vagin porte le nom de « vestibule vulvaire ». Cette « porte d’entrée » des organes génitaux internes est constituée d’un tissu très particulier, puisqu’il renferme de nombreuses terminaisons nerveuses le rendant extrêmement sensible.
L’utérus est l’organe clé de la grossesse. Il est formé d’une partie inférieure surmontant le vagin, le « col », et d’une partie supérieure, le « corps », logée dans le bas de la cavité abdominale (bassin), derrière la vessie et devant la partie terminale de l’intestin (rectum). Le cancer du sein, qui représente actuellement près de 30 % des diagnostics de tumeur chez les femmes, est la néoplasie féminine la plus fréquente ; il est suivi du cancer colorectal, puis des cancers du poumon, de l’estomac et de l’utérus.
À lui seul, le cancer du sein représente donc presque un tiers de l’ensemble des tumeurs diagnostiquées. Avec une survie relative de 75 % cinq ans après le diagnostic, le cancer du corps de l’utérus est l’un des cancers associés au meilleur pronostic chez la femme, après le cancer de la thyroïde (92,8 %), le mélanome (87,1 %) et le cancer du sein (84,7 %).
Deux conclusions peuvent être tirées de ce qui précède : tout d’abord, de nombreux cancers féminins touchent la région pelvienne; ensuite, l’association d’un diagnostic précoce et d’une approche thérapeutique adaptée permet d’envisager une survie prolongée, ce qui fait de la qualité de vie une considération prioritaire.
Les troubles de la sphère sexuelle ne sont pas toujours la conséquence de maladies de l’appareil génital. Le traitement de cancers touchant d’autres régions – et en particulier le cancer du sein – peut en effet provoquer des altérations organiques de la muqueuse vulvo-vaginale, au point de causer une sensation de brûlure vulvaire et/ou une douleur lors des rapports sexuels.
Les problèmes génitaux féminins sont fréquents après le diagnostic ; leur incidence dépend du type de cancer et des caractéristiques de la population considérée (âge, maladies préexistantes, type de traitements, etc.). Le taux de dysfonction sexuelle chez les femmes victimes d’un cancer du sein varie ainsi entre 15 et 64 %.
Les causes de dysfonction sexuelle chez les femmes qui ont été confrontées au cancer sont multifactorielles et peuvent être synthétisées comme suit :
Conséquences directes de la maladie effets secondaires du traitement
Répercussions psychosociales du diagnostic / traitement
Chacun de ces trois éléments peut exercer une influence négative sur l’état des tissus génitaux et de la fonction sexuelle.
Les facteurs contribuant à la survenue d’une dysfonction sexuelle peuvent être locaux ou (lorsqu’ils concernent l’ensemble du corps) systémiques.
o Facteurs locaux. Les cancers vulvaires ou du col de l’utérus causent une sensation de brûlure et des douleurs génitales de façon directe, en raison du volume qu’ils occupent et de leurs effets sur les tissus génitaux. Les carcinomes de la partie terminale de l’intestin peuvent occasionner des douleurs abdominales basses (bassin) ainsi que des difficultés sexuelles (rapport douloureux) à travers un mécanisme de lésions des tissus génitaux résultant d’une invasion dite « par contiguïté ».
Le traitement, qui a pour but premier d’éliminer la maladie, peut hélas lui aussi infliger des dommages fonctionnels compromettant la qualité de vie sexuelle de la patiente. La chirurgie, l’une des approches thérapeutiques de base pour ce type de cancers, lèse les terminaisons nerveuses pelviennes et entraîne la formation de cicatrices qui peuvent s’avérer douloureuses. Parfois, la structure anatomique (c’est-à-dire la conformation) des organes génitaux féminins est modifiée au point d’engendrer des troubles de la fonction sexuelle ; un exemple typique est celui du raccourcissement du vagin en cas d’ablation de l’utérus. La radiothérapie du bassin, c.-à-d. l’irradiation de la région abdominale basse, est souvent utilisée pour traiter le cancer du col de l’utérus ou ano-rectal. Elle est associée à la formation de tissu cicatriciel, une diminution de la lubrification vaginale et une modification du revêtement des tissus génitaux, qui s’amincit et se fragilise comme s’il était le siège d’une brûlure ; les douleurs à la pénétration qui en résultent mènent à une diminution de l’activité sexuelle. Dans ces situations, une altération du microenvironnement de la muqueuse géni- tale est observée.
Facteurs systémiques. La chimiothérapie cytotoxique est l’un des traitements anticancéreux systémiques les plus répandus. Elle est fréquemment utilisée pour le cancer du sein qui, comme nous l’avons vu, est le cancer le plus courant chez la femme. La chimiothérapie consiste à administrer des médicaments dits « cytotoxiques » qui empêchent les cellules tumorales de se diviser et se multiplier. L’activité de ces cellules est ainsi progressivement inhibée jusqu’à entraîner leur mort. Ces médicaments se diffusent dans le sang et peuvent donc atteindre les cellules tumorales où qu’elles se trouvent dans le corps ; malheureusement, ils peuvent également nuire aux cellules saines de l’organisme (follicules pileux, muqueuses, moelle osseuse) et donc provoquer des effets secondaires désagréables. Toutefois, contrairement aux cellules tumorales, les cellules normales ne subissent d’ordinaire que des dommages temporaires, raison pour laquelle la plupart des effets secondaires s’estompent à l’arrêt du traitement.
La chimiothérapie peut avoir des effets directs ou indirects sur la fonction sexuelle et reproductrice. De nombreux agents chimio- thérapeutiques peuvent altérer la sécrétion hormonale, au détriment du fonctionnement des ovaires. La baisse drastique des taux d’hormones réduit la stimulation de la muqueuse vulvo-vaginale, qui se fragilise et devient très sensible, en particulier dans la ré- gion vestibulaire riche en terminaisons nerveuses. Le déclin hormonal est par ailleurs à l’origine d’une réduction du désir sexuel qui, couplée à la douleur à la pénétration, complique les rapports sexuels. Ces effets de la chimiothérapie sont encore plus pénibles et importants chez les femmes ménopausées.
Le traitement des problèmes génitaux féminins d’origine cancéreuse doit être multimodal et exige la coopération du partenaire. o Ajustements du style de vie. Quelques règles comportementales élémentaires améliorent le bien-être général, ainsi que l’ox- ygénation des muqueuses. Une alimentation équilibrée (riche en fruits et légumes), une activité physique régulière, l’absence de tabagisme et une consommation limitée d’alcool sont autant de mesures simples renforçant – entre autres – le bien-être des tissus vulvo-vaginaux.
Traitements locaux. Les œstrogènes sont les principales hormones assurant la vitalité de la muqueuse génitale féminine. Une supplémentation en œstrogènes peut être utile lorsque les tissus vulvo-vaginaux sont fortement fragilisés par les traitements anti- cancéreux (chimiothérapie et radiothérapie), notamment chez les femmes ménopausées. Outre les répercussions susmentionnées, ces traitements constituent en effet pour la muqueuse un stimulus irritant continu, qui déséquilibre les tissus et altère l’ensemble des mécanismes de contrôle de la physiologie normale de la muqueuse génitale. Il est donc important de normaliser le microenvironnement des tissus muqueux, afin d’atténuer les symptômes de prurit, sensation de brûlure et douleur qui sont amplifiés par ce déséquilibre. Outre la restauration du microenvironnement, il est possible d’utiliser des produits à base d’œstrogènes.
De nombreuses formulations (crèmes, ovules), dont la durée d’application peut être adaptée aux besoins, sont disponibles dans le commerce.
Les œstrogènes rendent la muqueuse vulvo-vaginale plus épaisse et donc plus résistante et stimulent sa lubrification. Les préparations à base d’œstrogènes sont cependant contre-indiquées chez les femmes souffrant de cancers dits « hormonodépendants », comme le cancer du sein. En synthèse, les hormones peuvent stimuler la croissance d’une maladie résiduelle ou cachée et donc favoriser une récidive. Les patientes concernées peuvent utiliser des préparations contenant des substances spécifiques exerçant des effets lénitifs, nutritifs et régulateurs sur la muqueuse génitale. L’application ponctuelle de gels lubrifiants aqueux sur la zone vulvaire afin de réduire la friction lors de la pénétration sexuelle est également conseillée. Les produits locaux utilisés à cette fin doivent être exempts de parfums, de colorants et d’arômes.
Traitements sexologiques. Durant la période de diagnostic et traitement d’un cancer, tant les hommes que les femmes ont tendance à se désintéresser de l’activité sexuelle. Initialement, la vie sexuelle est reléguée au second plan par la peur de l’irréparable et l’anxiété qu’inspire le futur. Le manque de désir est lié à des facteurs tels que l’angoisse, la crainte, la dépression, les nausées, la douleur et la fatigue.
Il est important d’encourager la reprise de l’activité sexuelle, ce qui implique d’affronter ensemble les peurs de l’individu et du couple et de surmonter l’appréhension de transmettre la maladie au conjoint ou de lui nuire pendant et après la chimiothérapie ou la radiothérapie.
Lors des rapports hétérosexuels, la femme est souvent couchée sur le dos. En favorisant une pénétration profonde, cette position est généralement douloureuse pour les femmes ayant un vagin plus court à la suite d’une radiothérapie ou d’une intervention chirurgicale. Il est alors préférable d’adopter d’autres positions sexuelles (les deux partenaires côte à côte ou la femme au-dessus de l’homme) dans le but de limiter la profondeur de la pénétration vaginale et ainsi la douleur, tout en maintenant une stimulation clitoridienne directe. Les dispositifs dilatant progressivement un vagin court ou étroit (dilatateurs vaginaux) pour le rendre plus élastique et « habitable » s’avèrent utiles dans certains cas.
Les difficultés sexuelles et douleurs génitales pendant et après un traitement anticancéreux constituent un problème complexe et une source de stress pour les femmes qui en sont victimes. Le plan de traitement envisagé doit être personnalisé et multimodal, et viser à aider la femme et son partenaire à reprendre une vie sexuelle épanouie.
Carnet de voyage
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